Béton – 07
Béton – 07 est une synthèse de deux aspects de mon travail, que je croyais définitivement dissociés.
Entre 2007 et 2008, j’ai réalisé une série nommée Découpages dont toutes les pièces ont été découpées à la main. La découpe au plasma directement en pleine tôle est peu précise mais laisse toute la place à la spontanéité du geste et renforce le caractère incisif du dessin. De taille réduite beaucoup de ces pièces sont pourtant déjà des sculptures monumentales, elles ont la capacité d’exister pleinement, quel que soit l’échelle de leur réalisation.
Parmi elles, Découpages – 33, une pièce qui tient dans la main, d’une extraordinaire densité, m’a immédiatement donné l’envie de la réaliser dans des dimensions plus généreuses. Les différentes tentatives n’ont jusqu’ici pas dépassé le stade de l’esquisse, étant dans l’impossibilité de rendre l’impression de vibration engendrée par la découpe à main levée qui donne toute sa force à cette sculpture.
Lors de mon installation dans le nord en 2006, j’ai pu au bout de quelques temps reconstituer le réseau de fournisseurs, d’outillage et de matière première dont je disposai en région parisienne à l’exception des ferrailleurs. Sur la quinzaine contactée, aucun ne m’a autorisé à me rendre sur ses chantiers. Dans l’impossibilité de continuer à m’approvisionner en matériaux de récupération, j’ai été contraint de modifier profondément ma manière de concevoir et de réaliser mes sculptures. Je suis passé du travail direct sur la matière en atelier au dessin sur ordinateur de tôles découpées au laser.
Depuis presqu’un an j’ai de nouveau la possibilité de me procurer des fers à béton issu du concassage de blocs voués à la démolition. Je les récupère sous la forme d’écheveaux emmêlés, tordus, vrillés. Je dois les détordre, les réaligner jusqu’à les rendre quasi rectilignes. C’est dans ce côté presque droit mais pas tout à fait que réside tout l’intérêt de ce matériau transformé. C’est avec grand plaisir que je me le suis réapproprié. A quelques astuces près, j’ai facilement retrouvé mes marques pour sa mise en œuvre, il se travaille très tranquillement et avec beaucoup de facilité. Si la mise en œuvre est assez facile, il m’a fallu par contre revoir ma manière de concevoir mon travail.
Par habitude j’ai continué à dessiner préalablement à l’ordinateur mes projets en cours. Constatant qu’une fois à l’atelier je ne respectais ni les formes ni les dimensions initialement prévues, j’ai cessé de recourir à cette étape préliminaire.
Cependant cela m’a permis d’avoir deux interprétations différentes du même projet. L’une où les volumes fermés sont engendrés par des surfaces pleines, l’autre où ne subsiste que le dessin des arêtes de ces volumes. Puis l’idée me vint de superposer ces deux approches : juxtaposer un ou des volumes conçus sur ordinateur avec toute la rigidité que cela implique et des structures en fer à béton aux géométries hasardeuses et aux dimensions approximatives. Spontanément c’est ce Découpage que j’ai toujours conservé à portée de main qui s’est imposé pour être le support de ce premier essai. C’était l’occasion de le recréer à une échelle plus importante. Pour conserver ses proportions initiales je l’ai complètement redessiné, et j’ai agrandi le dessin jusqu’à la taille souhaitée. Il a été un peu plus complexe de ne conserver que les arrêtes des 2 volumes externes, et il m’a fallu beaucoup d’imagination pour concevoir des liaisons faciles à positionner entre les pattes de fixations (du volume) et les fers à béton.